Fondées en 2010, les Éditions deux-cent-cinq ont posé comme principe non seulement de penser la forme des livres mais aussi — et avec autant de conviction — de (re)penser la manière dont ils seraient fabriqués.
En effet, nul doute que vous avez déjà à plusieurs reprises consulté le colophon des livres de votre bibliothèque, et vous avez souvent pu lire que ces ouvrages étaient produits en Espagne, en Italie, en Chine, en Europe de l’Est; rarement en France. C’est bien sûr la question économique qui conduit à ce que les livres soient produits moins chers dans des pays où la main d’œuvre qualifiée est meilleure marché, et ce malgré les coûts de transport qui s’ensuivent.
Mais qu’en est-il de la dimension écologique, quelles sont les conséquences de cette décision de faire fabriquer parfois très loin des ouvrages qui seront ensuite rapatriés pour être vendus en France? L’impact “Carbone” est tout simplement énorme. Porte-conteneurs, camions: des milliers de kilomètres parcourus en dépit de la pollution qui en découle; pour des livres vendus pour quelques dizaines d’euros…
À cela s’ajoute — pas systématiquement fort heureusement — la question humaine et les conditions de travail des ouvriers mobilisés pour fabriquer les ouvrages. Nous le savons tous très bien, nous n’aimerions pas travailler dans les conditions que connaissent les travailleurs dans les pays mentionnés dans les colophons, et encore moins pour le salaire qu’ils obtiennent péniblement.
Pour ces deux raisons, simples, évidentes, les Éditions deux-cent-cinq ont choisi de penser “autrement” ou plus “à l’envers” (en fait, plutôt à l’endroit car c’est le monde contemporain qui semble bel et bien fonctionner en dépit du bon sens).
C'est-à-dire?
La démarche est simple:
Considérer qu’un livre est un objet complexe qui demande beaucoup d’attention et de réflexion dès sa genèse pour être réussi. Cet objet pourtant si courant, banal presque tant il remplit les rayons des librairies et… des supermarchés, fait appel au savoir-faire de nombreux acteurs que l’éditeur et le designer ne peuvent imaginer maîtriser seuls. Papetier, photograveur, imprimeur (du prépresse à l’impression), relieur: autant de métiers qui demandent des compétences et expertises particulières.
Et donc, logiquement, envisager qu’un livre ne peut être pensé que collectivement en prenant en compte tous ses aspects, tant conceptuels, esthétiques que techniques. Dessiner un livre sans penser aux contraintes de fabrication conduit, a minima, à un objet cher car non adapté aux process et aux machines, et, le plus souvent, à devoir repenser tout ou partie de ses caractéristiques pour rendre le projet viable. Certes, l’éditeur et le designer expérimentés peuvent anticiper certaines contraintes et certains coûts mais seul un échange précoce et ouvert avec les différents acteurs permet de trouver les bonnes conditions de travail.
C’est ainsi que tous les ouvrages de ce catalogue ont été imaginés.
Un projet, un auteur, un contenu qui font naître une idée de forme (reliure, papiers) et de format. Nous entamons alors une discussion avec tous les acteurs du livre afin de comprendre les contraintes et les coûts et trouver ensemble les solutions pour, in fine, trouver la forme juste qui allie “l’utile à l’agréable” (la forme et la fonction en quelque sorte). C'est ainsi que le coût unitaire sera ajusté.
Avantage non négligeable, le plaisir de travailler avec d’autres, échanger, comprendre et apprendre, suivre le travail de près; être en mesure d'assister à la fabrication du livre et pouvoir ainsi optimiser encore au moment de l’impression la qualité du rendu, faire un choix spontané face à une situation imprévue sur la chaîne d’assemblage, etc.
Autre paramètre important, participer au maintien du travail local en soutenant les entreprises régionales dont le savoir-faire n'est plus à démontrer.
Coût maîtrisé, fabrication assurée, respect des acteurs du livre, transport réduit autant que possible, l’équation est peut être complexe mais peut trouver une réponse si tant est qu’on prenne le temps de la poser.
Comment produire de “beaux” livres, économiques et responsables, en France ?